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la vie de BOUB

15 janvier 2005

A défaut de comprendre Auschwitz , transmettons le ...

Ca va bientôt faire 60 ans. 60 ans que la plus terrible tragédie de notre temps a eue lieu. Nous sommes en 2005, deux générations après ceux qui ont vécu, de quelque manière que ce soit, cette abomination. 60 ans après, moi jeune étudiant, je me demande comment tout cela a pu exister, comment l'homme de sa propre main a-t-il pu créer l'enfer sur terre. Comment un peuple éduqué, civilisé, instruit a-t-il pu basculer dans cet engrenage à l'opposé de la vraie nature humaine. Peut-on réellement comprendre Auschwitz ? Ceci nous dépasse-t-il trop pour pouvoir ne serai-ce que réaliser  ce qui est arrivé ?  Nous devons profiter des derniers témoins qui ont de leurs yeux, assisté au massacre systématisé, automatisé, de leur peuple. Nous devons nous accrocher à leurs derniers témoignages pour qu'Auschwitz ne reste pas un nom dans un livre d'histoire, pour que de génération en génération nous fassions à notre tout de nous des témoins. Nous sommes la dernière génération à pouvoir rencontrer des survivants. Même si nous ne réaliseront jamais jusqu'où cette déshumanisation de l'homme dépasse tout ce que l'on peut imaginer, nous devons, à défaut de comprendre connaître car cela fait partie de notre histoire aussi bien en tant que Juifs qu'en tant qu'être humains pour que tout ceci ne se reproduise jamais, pour que l'homme ne soit plus aveuglé par une haine inculquée trop facilement.

 

Peut-on comprendre la Shoah ?

 

La question que je me pose souvent à propos de la Shoah est de me demander quelles parcelles d'humanité pouvait-il y avoir au fond des bourreaux que furent les S.S. Comment pouvait on rabaisser l'homme à cet état de bête, de disposer du droit de vie et de mort sur lui alors que nous somme tous humains, avec deux bras, deux jambes et une tête. Comment croire qu'un homme ait pris l'ascendant sur un autre pour en arriver à un tel point. Comment la nation Allemande héritière de Kant, de Goethe, développée, précurseuse des Lumières a-t-elle pu être manipulée par un homme dans une idéologie qui dépasse toutes les frontières de la nature humaine et faire ses citoyens ordinaires se transformer en bourreaux capable des pires exactions.

Les bourreaux volontaires de Hitler de Daniel Goldhagen m'a marqué au plus haut point car il met justement l'accent sur les acteurs du génocide, ces allemands ordinaires qui ont été chargés des taches suivantes lors des massacres sur le front de l'est comme ici à Jozelaw en 1942 quand plus de 2 000 juifs hommes femmes et enfants furent exécutés dans la même journée :

« Les sections de la 1ere compagnie avaient été réparties en groupes d'environ huit hommes, et la procédure était la suivante : le groupe s'approchait des Juifs qui venaient d'arriver, et chaque policier choisissait sa victime  homme, femme enfant .Ensuite, allemands et Juifs se mettaient en marche en deux colonnes parallèles en sorte que le tueur marchait à hauteur de sa victime , pour gagner la clairière où ils prenaient position  en attendant que le chef de groupe donnât l'ordre de tirer  (…) La tuerie en elle-même était quelque chose de terrifiant . Sa victime dont il avait vu la tête à côté de la sienne pendant la traversée du bois, chaque allemand l'avait maintenant devant lui, de dos, le visage contre le sol, et il devait viser la nuque, appuyer sur la gâchette, regarder (c'était parfois une petite fille ou un bébé) le corps tressauter puis retomber inerte. Ces allemands devaient se cuirasser  contre les cris des victimes, les cris des femmes, les gémissements des enfants. A tirer de si près les allemands étaient souvent aspergés de chair humaine.  «  le coup frappait le crâne avec une telle violence que toute sa partie postérieure était arrachée et que du sang , des éclats d'os et de cervelle venaient souvent  maculer les tireurs » a raconté l'un d'eux. »

Ceci se passe de commentaire mais on ne peut que remarquer la rigueur et l'organisation propre aux nazis de cette tache qui semble d'un naturel frappant. Mais est-ce naturel, même pour un peuple a qui on rabachait depuis 10 ans que les juifs étaient la cause de tous les maux  d'en arriver là ?  Tout cela 60 ans après ne cessera de nous dépasser tous et nous fera douter sur la vraie nature de l'humain.

Je regardais dernièrement un documentaire et je voyais des déportés juifs encore insouciants de leur sort, marcher près d'un SS et je me disais que c'était tout de même invraisemblable. Au-delà de fait que la démarche même des deux hommes laissait apparaître un rapport de domination de l'un sur l'autre, nous avion tout de même deux humains, de la même planète de la même constitution à la différence près que aucun des deux ne considérait l'autre comme un homme. Une seule personne, en plus de causer la mort de 55 millions de personnes, en est arrivée au fait que les humains ne considèrent plus l'autre homme comme tel. Mais comment, nous en 2005, à l'époque de la mondialisation, de l'ouverture, d'Internet, pouvons nous imaginer qu'une doctrine aussi invraisemblable ait été martelée puis assimilée par une population de plus de 60 millions d'habitants. Tout cela me semble tellement incroyable et ce problème d'incompréhension  de l'être humain, reste au-delà de toutes les atrocités le plus grand mystère de ce génocide. Ces hommes que l'on voyait avec leurs femmes, leurs amis, devenaient d'un moment à l'autre des bourreaux. Ceci me dépasse et je ne suis pas près d'en décrocher.

Ce qui pour moi est également marquant dans tout cela est le côté organisé, structuré de cette entreprise macabre. Tout était cadré du début à la fin pour arriver au final à l'extermination delà race juive tout en l'utilisant jusqu'au bout dans l'effort de guerre allemand. Du début à la fin du cycle, le parquage, dans les getthos, le recensement, l'envoi dans les camps puis la déshumanisation tout semble cadré. Auschwitz fut une véritable usine avec pour source l'être humain qui y rentrait entier puis en ressortait en tapis, savon, engrais.

Toutes ces familles brisées par la guerre. Que serait la communauté juive sans tout cela ?

On se demande souvent pourquoi les juifs n'ont pas réagi. J'ai moi-même posé la question à mon grand père qui m'a dit qu'ils ne pouvaient pas imaginer une seule seconde qu'ils allaient être exterminés de la sorte. Ceci est vrai  et dépasse l'entendement, aujourd'hui quelqu'un me dirait que l'on va tous nous exterminer je n'y crois pas. Le principe de base qui a fait que les Juifs ne sont rendus compte de rien est le resserrage de l'étau autour d'eux : statut des juifs, port de l'étoile, puis traque. Lentement mais sûrement on les a mis au ban de la société, on les a déshumanisés pour mieux les utiliser et réaliser cette horreur

Notre devoir est de transmettre la mémoire des disparus.

 

En Février 2004 j'ai participé avec ma mère à un voyage à Auschwitz qui, je le pense a marqué profondément mon inconscient car j'ai vraiment eu l'impression de découvrir l'antichambre de l'enfer. Comment imaginer survivre dans des conditions telles après avoir perdu toute sa famille, n'être plus qu'un numéro, avoir perdu toute parcelle de différence. C'est pourquoi les survivants de la Shoah sont loin avant le reste les personnes au monde que j'admire le plus. J'ai eu la chance d'en rencontrer quelques uns et rien que le fait d'imaginer ce qu'ils ont vécu inspire un respect sans limites. Le seul moyen pour que nous leur donnions une raison d'avoir survécu au pire et de survivre depuis la guerre, car après Auschwitz difficile de « vivre », est de transmettre, de se faire messagers de leur vécu, pour que Auschwitz, Treblinka, Sobibor, Chemnlo, Belzec et Majdanek qui font pour moi, au même titre que la traversée d'Egypte ou la destruction du mur de Jérusalem, partie intégrante de l'histoire de notre peuple restent à jamais à l'esprit de tous. La Shoah reste pour moi la plus grande abomination de l'Histoire et la seule pensée du martyr juif peut nous faire relativiser toutes sortes de choses. C'est pourquoi il ne faut pas avoir peur de lire, voir, il faut savoir, ne jamais ignorer notre histoire car dans chacun de nous nous portons un peu du martyr de nos ancêtres et nous, jeunes juifs, sommes les plus enclins à faire revivre leur mémoire.

C'est pourquoi comme disait Paul Eluard «  Si l'écho de nos voix faiblit, alors nous périrons ».  Renseignons nous, n'oublions jamais ces femmes et ces hommes qui sont morts pour la simple et bonne raison qu'ils étaient juifs comme nous. Nous sommes leur mémoire, prouvons qu'ils n'ont pas vécu ce calvert pour rien et que nous, jeunes du XXIeme siècle nous pensons  à eux. Consacrons leur peu, quelques heures de temps en temps suffisent mais ils ne faut pas oublier car notre fierté d'être Juifs, c'est pour eux que nous l'avons, en leur honneur, pour tout le martyr qu'ils ont vécu. Nous sommes leur voix pour les générations futures et c'est notre rôle de garder la flamme du souvenir toujours allumée. La jeune génération Juive a tendance a oublier tout cela

Un voyage à Auschwitz doit se faire comme un pèlerinage pour nos ancêtres. En marchant sur ce cimetière géant j'ai réellement ressenti le besoin d'en parler autour de moi mais à mes yeux il y a un avant et après séparés par cette visite. Celle-ci m'a ouvert les yeux sur ce qu'a réellement été la Shoah et plus que tous les livres, les films , elle m'a donné la fierté d'appartenir a ce peuple , d'être un petit-fils de survivants, Auschwitz m'a fait prendre conscience que tout juif est un survivant . Mais parler de ce que j'y ai vu m'a semblé très dur car à mes yeux, Auschwitz ne s'explique pas, il ne se décrit pas, il se voit. Même si comprendre l'Holocauste est impossible, le simple fait de connaître suffit et pour connaître il faut voir de ses yeux jusqu'où la barbarie peut mener.

La porte d'entrée  , la rame de triage de Birkenau, les baraquements , les lattrines, le froid insoutenable , les fours crématoires , les miradors, le Mémorial  .Tous ces endroits glacent le sang  mais sont un passage obligé vers l'affirmation de notre judaïsme total. Le Kaddish de Jo Wasblat, survivant, en plein milieu du camp était si touchant. Jamais une prière ne m'avait autant pris au ventre. Tout cela fait partie de nous même inconsciemment. Je vous en prie allez-y.  Même si vous le craignez, faites le pour les 6 millions de morts dont les descendants auraient pu être vos amis,  pour les 6 millions d'entre nous qui ont vu leur vie gâchée par la pensée totalement folle d'un individu, pour ces 6 millions de martyrs de la folie humaine et surtout pour vos enfants, petits-enfants, qui à leur tour le transmettrons pour que, pourquoi pas, dans quelques siècles, la Shoah soit mentionnée dans les livres de prières.

 

 

 

 

 

                                  

 

            

 

 

 

 

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